L’épidémie de coronavirus (Covid-19) a entraîné des répercussions majeures dans la société. Depuis le 24 mars, la France est en situation d’état d’urgence sanitaire. Aujourd’hui, cet état d’urgence a été reporté, ce qui permet au gouvernement d’user de pouvoirs exceptionnels afin d’affronter la pandémie. L’état d’urgence sanitaire permet également d’entourer le confinement (acté depuis le 14 mars) d’un cadre juridique. De cette manière, le Premier ministre dispose de pouvoirs dans la mise en place de mesures restrictives de libertés. De son côté, le gouvernement peut légiférer par ordonnances. Qu’en est-il du sort des libertés individuelles sous l’état d’urgence ?
Sommaire
L’état d’urgence : une exception instaurée depuis 1955
C’est en 1955 que l’état d’urgence apparaît dans la sphère juridique. Et plus particulièrement depuis la guerre d’Algérie où le contexte a réclamé des actions fortes de la part du gouvernement de l’époque. L’état d’urgence créé est alors instauré sur le territoire par le conseil des ministres. Cet état exceptionnel peut être prononcé dans deux situations en particulier :
- soit les atteintes graves à l’ordre public entraînant un péril imminent
- soit la nature et la gravité des événements conférant à l’ensemble un caractère de calamité publique.
A la suite de la guerre d’Algérie, le régime d’exception de l’état d’urgence est réutilisé à nouveau dans plusieurs situations. Notamment en 1985 dans le cadre des violences en Nouvelle-Calédonie, en 2005 lors des émeutes dans les banlieues parisiennes et en 2015 lors des attentats à Paris.
Aujourd’hui, certains s’élèvent contre la restriction très marquée des libertés fondamentales sur le territoire français. En effet, il s’agit de la toute première fois où la France est concernée par des restrictions massives de libertés sur des motifs sanitaires.
Etat d’urgence et contrôle des mesures prises
Toute déclaration d’état d’urgence est encadrée par la loi, et plus particulièrement la loi d’urgence. Cette dernière prévoit des règles entourant les mesures du Gouvernement pendant cette période exceptionnelle. L’objectif est d’éviter tout débordement et de contrôler le caractère indispensable des mesures prises.
Le contrôle des décisions sous l’état d’urgence se manifeste à différentes étapes :
- lors de la déclaration d’instauration de l’état d’urgence. Tout le monde peut accéder aux données sur lesquelles s’appuient les décideurs
- le comité scientifique rend un avis obligatoire avant toute décision de prolongation de l’état d’urgence
- lors de l’exécution des décisions, le comité scientifique rend régulièrement des avis sur l’état de la situation sanitaire, sur l’avancée des connaissances scientifiques en la matière et sur les mesures destinées à y mettre fin. Tout le monde peut avoir accès aux avis, qui sont publics
- le Sénat et l’Assemblée nationale ont un droit de regard sur les mesures prises et peuvent demander des informations supplémentaires
- les mesures d’urgence sont proportionnées au risque encouru, au regard des circonstances particulières. Dès lors que les mesures ne sont plus nécessaires, leur fin doit être prononcée. Cela du fait du caractère très restrictif des mesures d’urgence.
Libertés individuelles fondamentales et non-respect des mesures prononcées
Si les libertés individuelles sont restreintes, l’Etat doit tout de même veiller aux garanties légales des citoyens. Toute atteinte portée à ces libertés fondamentales doit forcément être prévue par la loi et suivre un objectif légitime. Elle doit être nécessaire pour le bien-fondé de toute société démocratique et proportionnée à la réalisation du but déterminé. Il faut donc veiller à l’Etat de droit pour chacun et à l’efficacité constante des mesures. Toute atteinte excessive aux libertés des citoyens sera forcément nocive et contre-productive.
Tout irrespect des mesures entraîne des sanctions. Cela s’explique par le fait que la situation d’urgence implique une restriction conséquente des libertés individuelles fondamentales. La sanction première est une amende au titre d’une contravention de 4e classe, avec graduation des sanctions.
La loi prévoit ensuite d’autres sanctions plus importantes, montant d’un cran dans la répression. L’amende est une contravention de 5e classe en cas de toute nouvelle violation caractérisée dans un délai de 15 jours. Dans un délai de 30 jours et en cas de violation constatée à plus de 3 reprises, le contrevenant sera cette fois-ci puni d’une amende de 3 750 € et encourt 6 mois d’emprisonnement.
Etat d’urgence sanitaire : allons-nous vers un traçage des données mobiles ?
Les français ont fait le constat d’une surveillance accrue de la part des services de police ces derniers mois. Et pour cause puisque le Covid-19 imposait de ne pas se déplacer, hormis en présence d’une attestation de dérogation et pour des raisons bien précises. Le contrôle des forces de police a donc été accru et continue à l’être aujourd’hui, même si la période de déconfinement n’impose plus de se munir d’une attestation pour les déplacements.
Jusqu’où peut aller la surveillance des français ?
Nombreux sont les français à s’être interrogés sur la portée de cette surveillance, notamment au regard du respect de leurs libertés individuelles et de leur vie privée. Jusqu’à quel stade peut aller la surveillance de la population pour lutter contre le coronavirus ?
Aujourd’hui, nombreux sont les professionnels (chercheurs et médecins) à discuter d’un possible pistage numérique de toutes les personnes contaminées par le Covid-19. L’objectif avancé serait de protéger le restant de la population. Ce pistage numérique consisterait en une utilisation des informations GPS des smartphones pour réaliser un traçage des déplacements et connaître les personnes avec lesquelles les malades sont rentrés en contact. Pourtant, plusieurs pays dans le monde ont déjà accès à ce type de pratique, à l’instar de la Corée du Sud et d’Israël. En Europe, la situation est bien plus complexe puisque le poids des libertés individuelles est particulièrement important.
Des garanties suffisantes apportées par le Gouvernement
En outre, le communiqué publié par la CEPD (Commission européenne de la protection des données) le 19 mars dernier a ouvert la possibilité de traiter des informations personnelles et numériques dans le cadre d’une épidémie. Les données relatives à la santé peuvent être utilisées dans certaines situations. Cela doit s’imposer pour des raisons d’intérêt public. On peut donc penser que cela serait le cas dans le cadre d’une pandémie comme celle que nous connaissons depuis plusieurs mois. Notons aussi que le Gouvernement doit tout de même apporter des garanties suffisantes. Cela même s’il peut collecter des données et réaliser un traçage des personnes. Les données recueillies ne peuvent pas être conservées à vie et doivent l’être pour un temps limité uniquement.